Comment en arrive-t-on à créer un Musée ?

Une maison frontière située en plein bois, entre Halanzy et Mont-Saint-Martin, du côté belge. Jusqu’à la création de la Communauté Européenne, ce type de commerce a prospéré grâce aux différences de prix ou de qualité qui existaient pour certains biens de consommation courante entre les deux pays : les vêtements ou le tabac côté belge ; le vin ou le café côté français… Situé au milieu de la forêt, c’est aussi un lieu de loisirs bourgeois au 19° siècle, devenu populaire au siècle suivant grâce au développement industriel des alentours et du repos dominical puis de la semaine de 40 heures… La terrasse du bistrot ponctue les promenades dominicales en forêt. Les murs résonnent d’histoires de chasseurs, contrebandiers ou douaniers, de celles que racontent des clients friands d’assiettes de jambon d’Ardenne agrémentées d’un Orval à température ambiante, comme il se doit.

Dans les forêts alentours, il n’est pas rare de voir les arbres se balancer plus que de raison. C’est que le sol des galeries se dérobe parfois sous leurs racines. La faute aux galeries qui quadrillent la veine de minerai de fer oolithique. Celle-ci affleure au versant nord de la cuesta bajocienne qu’épouse la frontière. Le minerai est exploité dès le 18° siècle. D’abord par grattage en surface au profit de quelques forges, ensuite de plus en plus profondément à mesure que les usines se développent… On pénètre les entrailles ferrugineuses de la terre depuis Musson, Halanzy, Mont-Saint-Martin ou Longwy.

Au milieu du bois Genot, il y a donc cette maison frontière où s’installe la famille Noben au milieu des années 1970. Avec son petit parc magnifiquement entretenu bordé d’un enclos à sangliers, le magasin et le bar que fréquentent des mineurs après leur journée où une fois la retraite venue. Ils ne sont pas avares d’anecdotes qui captivent le jeune Rudolf mais aussi son père, Jean-Claude. Le fils se souvient des tirs de mine déclenchés en fin de poste : les verres du bistrot tremblaient et les parents devaient les remettre en place quelques fois par semaine. Et puis le spectacle de la nuit orangée, lorsque les nuages reflètent l’incandescence du métal liquide les soirs de coulée …

Les anciens mineurs comprennent cet intérêt et sont ravis de partager leurs souvenirs. Les parents laissent parfois Rudolf se promener avec des anciens car comme disait le Jeannot Barola, inséparable compère du ‘Natole Biron : il n’en a pas une bonne dans la p… . Ils lui font découvrir les vestiges du passé en expliquant leur rôle dans l’exploitation. Ici, la grille couvrant un puits de ventilation d’où s’échappe un air tiède et brumeux en hiver, là l’affaissement d’une galerie qui forme une dépression franche du sol. Le vieux mineur se garde bien de lui montrer les entrées des mines. Un enfant y était déjà porté disparu, c’était bien suffisant. A 12 ans, les bois paraissent dix fois plus grands. Un « tour » de trois ou quatre kilomètres semble une aventure extraordinaire. Ce sera à vélo que l’exploration se poursuivra avec le frangin… toujours avec l’espoir de découvrir l’entrée cachée que l’un ou l’autre cador de l’école prétendait avoir pu franchir … Quelques années plus tard, tout avait changé, les dernières mines avaient fermé. Les souvenirs des wagonnets avaient été emportés par les ferrailleurs. La nature reprenait ses droits sur les lieux, il ne restait rien à part ces entrées complétement murées et l’un ou l’autre socle en béton. Vient alors l’envie de sauver ce qui pouvait encore l’être. Une fouille minutieuse des bois a révélé quelques trouvailles du côté de Musson : une berline complètement enterrée, dont la remise à jour a nécessité plus d’un mois d’efforts durant les grandes vacances, avec un sentiment de fierté quand les anciens venaient nous voir ou quand les bûcherons ont donné un coup de main pour la ressortir de 30 mètres du talus !

Avec un papa collectionneur de naissance, le virus trouve un terrain favorable. On s’attèle à remettre en état ce wagonnet, lui reconstruire le châssis en bois que la terre a englouti. Ce fut la première pièce d’une longue série visible au musée.

En 2007, la famille quitte la propriété du bois Genot. Jean-Claude héberge les collections dans différents endroits dans l’attente de leur trouver un nouvel écrin. Trois ans plus tard, un terrain est acquis sur le site de l’ancienne usine de Musson. Une nouvelle histoire commence…

error: Content is protected !!